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Le prélèvement à la source confirmé pour 2019

Cette fois, c’est sûr ! Après une période d’incertitude et un épisode de communication quelque peu surprenant, le prélèvement à la source (PAS) a été confirmé, avec une mise en application au 1er janvier 2019. Les professionnels libéraux sont eux aussi concernés.

Cette réforme poursuit plusieurs objectifs clairement affichés :
     - Supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement
       de l’impôt (d’où le qualificatif de « contemporain »)
     - Adapter les paiements à la situation du contribuable
     - Simplifier le mode de recouvrement de l’impôt

L’étude attentive de la réforme montre malheureusement qu’aucun de ces objectifs ne sera totalement atteint. C’est encore plus le cas pour les libéraux, dont le montant des revenus peut, par nature, varier fortement d'une année sur l'autre.
Compte tenu de la diversité des questions touchant le PAS, il ne serait pas envisageable de tout inclure dans un seul article.
Ce qui suit s’efforce donc de faire le point sur les caractéristiques générales de la réforme, et notamment celles qui touchent plus particulièrement les libéraux.

Deux autres articles seront consacrés :
     - au nouveau calendrier des étapes clés à partir du 1er janvier 2019
     - à la taxation des revenus de 2018 (la fameuse « année blanche »)

Quelques remarques préalables paraissent nécessaires :
     - cette réforme ne concerne que le paiement de l’impôt, et non son calcul.
     - il sera toujours nécessaire de déposer une déclaration de revenus chaque année
     - tous les types de revenus ne sont pas concernés par la réforme
     - les salariés et les BNC ne sont pas traités de la même façon.
     - la documentation sur le sujet est très abondante et pas toujours adaptée.
       Il est très facile de s'y perdre.

Et il paraît également utile de préciser que si Bercy a présenté cette réforme comme une mesure de simplification, sa mise en application promet de devoir faire face à de nombreuses difficultés pratiques…

La suppression du décalage d'un an

Il s’agit de la principale conséquence de la réforme.

Jusqu’au 31/12/2018

L’impôt sur le revenu était payé l’année suivant celle de la perception des revenus.

Exemple : l’impôt sur les revenus de l’année 2017 est payé de la façon suivante :
     - acomptes (mensuels ou tiers) à partir de janvier 2018
     - calcul de l’impôt et régularisation fin 2018 (solde à payer ou excédent à se
       faire rembourser)

La totalité des impôts relatifs aux revenus de l’année 2017 aura donc été payée au cours de l’année 2018.

A partir du 01/01/2019

Les sommes payées dès janvier 2019 ne concerneront pas les revenus de 2018, mais ceux de 2019.
Ce principe sera dorénavant en vigueur chaque année.

Ainsi, lors d’un arrêt d’activité, les contribuables ne risquent plus de se retrouver dans la situation consistant à devoir payer l’année suivante une année entière d’impôt alors qu’ils ne perçoivent plus de revenus correspondants.

Le champ d’application du PAS

Il aurait été fort étonnant que cette réforme ne prévoit pas d’exceptions, qui en matière fiscale font office de règle générale…

Les revenus concernés par le PAS

Il s’agit des revenus qui présentent un caractère régulier :
     - les salaires
     - les pensions de retraites
     - les revenus des travailleurs non-salariés (indépendants BNC ou gérants de sociétés)
     - les revenus fonciers

Les professions de santé sont donc concernés par la réforme, mais avec un traitement différent de celui des salariés.

Les revenus exclus du PAS

Ce sont des revenus présentent un caractère plus exceptionnel :
     - les revenus de capitaux mobiliers (dividendes, etc.), concernés par une autre
       réforme : la « Flat tax »
     - les plus-values professionnelles (à long terme)
     - les plus-values immobilières (impôts perçus par le notaire lors de la vente)

 

Un traitement différent pour les salariés et les non-salariés

Les salaires, allocations de chômage, et pensions de recettes

Il s’agit dans ce cas d’un véritable prélèvement à la source. Le montant à percevoir sera amputé d’une somme par un tiers collecteur (employeur, pôle emploi, organismes de retraite, ...). Le contribuable percevra un montant net de prélèvement.Ces sommes seront ensuite reversées à l’Etat par le tiers collecteur, comme c’est déjà le cas pour les cotisations sociales salariales.
D’où la colère des employeurs qui voient dans cette réforme de nouvelles tracasseries administratives, qui viennent s’ajouter à une liste déjà bien fournie.
Les honoraires perçus par les professionnels de santé ne rentrent pas dans cette catégorie. Contrairement à ce que craignent certains, la Cpam ne retiendra donc rien sur les actes qu'elle verse aux professionnels.

Les travailleurs non-salariés (TNS)

Cela concerne notamment les professionnels de santé, qu'ils exercent :
     - à titre libéral (BNC)
     - au sein d'un société (gérants majoritaires de Selarl, etc.)
Pour eux, pas de prélèvement possible, car pas de tiers collecteur.
Comme indiqué ci-dessus, la Cpam ne prélèvera aucune somme sur les actes qu'elle rémunère.
Les TNS paieront donc leur impôt sous forme d’acomptes, mensuels ou trimestriels.
Les acomptes seront prélevés sur le compte bancaire du professionnel, comme c’est déjà souvent le cas actuellement.
Il ne s’agit donc pas là d’une profonde révolution.
 

Les sommes à verser en cours d’année

Le taux de PAS (nouveauté)

Les sommes qui commenceront à être prélevées dès janvier 2019 seront calculées à partir d’un taux d’imposition calculé par les services des impôts.
Chacun peut d’ores et déjà consulter son propre taux soit sur le site des impôts, soit sur son avis d’imposition.

Le calcul du taux de PAS

Le taux pour 2019 a été calculé à partir des revenus de l’année 2017 déclarés au printemps 2018.
Ce taux ne tient compte que des revenus à caractère habituel.
Les crédits et réductions d’impôt ne sont pas pris en compte.
Ce taux sera réactualisé en cours d’année 2019 (d’après les revenus de 2018)

Le calcul des acomptes

Pour un professionnel libéral, les acomptes sur ses revenus BNC seront calculés ainsi :
       acomptes = BNC (N-1 ou N-2) x taux de PAS
On peut constater que pour les libéraux, tous les calculs seront effectués à partir des informations des années antérieures, et non de l'année en cours.
L'utilisation du terme "contemporain" peut dans leur cas prêter à confusion.

La possibilité de modulation

Si le contribuable prévoit une augmentation ou une baisse de ses revenus, il est possible que le taux utilisé ne soit plus adapté à sa situation.
Il aura donc la possibilité, comme c'est le cas actuellement, de demander la modulation à la hausse ou à la baisse des acomptes versés. D’intéressants calculs en perspective…
Il est prévu que cette option soit ouverte à compter du 2 janvier 2019.

La périodicité

Les libéraux versaient jusqu’à présent 10 acomptes mensuels, ou 3 tiers provisionnels.
A partir de 2019, les acomptes seront au nombre de 12 (un par mois), ou 4 (un par trimestre).

La liquidation de l’impôt

Le piège de cette réforme réside principalement dans le fait que l’histoire ne se termine pas avec le paiement des acomptes. En effet, le PAS n’est pas libératoire, il n’est que provisoire.
L’année suivante, l’impôt définitif sera calculé à partir des revenus déclarés par le contribuable. Il sera donc nécessaire de continuer à déposer une déclaration de revenus chaque année.
Après déduction des acomptes versés l’année précédente, il y aura soit un complément à verser, soit un crédit à se faire rembourser.
Ceux qui pensent que le PAS est définitif et libératoire risquent d’avoir une mauvaise surprise fin 2020 !

Les limites de la réforme

Le PAS ne concerne pas tous les revenus

L’existence parallèle de revenus concernés par le PAS et de revenus recouvrés différemment ne contribue pas à simplifier l’application des règles relatives à l’impôt sur le revenu.
De plus, les différents types de revenus concernés par le PAS ne sont pas tous traités de la même manière.
Pour les véritables mesures de simplification, il faudra donc attendre encore un peu…

Le taux d’imposition du PAS n’est pas « contemporain »

Le taux appliqué pour calculer les sommes à verser sera calculé à partir des revenus de l’année N-1 et même la majeure partie du temps N-2 !
Il est donc tout à fait possible, si on n’y prend garde, de payer durant l’année des acomptes qui ne correspondent pas à ses revenus actuels.

Les crédits et réduction d’impôts ne sont pas pris en compte

Certains contribuables qui en bénéficient vont devoir payer en janvier 2019 d’avantage que les années précédentes, alors que leurs revenus sont constants.
Ils ne seront remboursés que fin 2020.
Afin de limiter ce risque, un traitement particulier est prévu pour certains crédits d’impôt.

Le calcul de l’impôt reste inchangé

Les services des impôts ont précisé eux-mêmes que l’impôt sur le revenu était très bien recouvré.
La vraie réforme aurait donc consisté dans la remise à plat du mode de calcul de l’impôt, et non son recouvrement.
Compte tenu de l’abondance des textes en vigueur, souvent d’une grande complexité, le calcul de l’impôt est devenu totalement incompréhensible pour la plupart des contribuables.
Ainsi, à titre d’exemple, qui est capable de calculer à la main le « revenu fiscal de référence » qui figure sur les avis d’imposition ?

Le PAS n’est pas libératoire de l’impôt 

L’impôt définitif n’étant calculé que l’année suivante, il est tout à fait possible de devoir verser une somme importante à ce moment-là si le calcul des acomptes versés n’était pas adapté.
Ceux qui ne savent pas gérer leur trésorerie risquent de ne pas voir leur situation beaucoup s’améliorer après le 1er janvier 2019…

Les crédits d’impôts

Afin d’éviter de créer des soucis de trésorerie aux contribuables qui en bénéficient, il a été décidé de leur verser dès le 15 janvier 2019 un acompte de 60% de l’avantage obtenu l’année précédente.
Cela ne concerne que certaines catégories de crédits d’impôt : emploi d’un salarié à domicile, certains investissements locatifs, dons aux associations, …
Bien évidemment, si aucun crédit n’est effectif l’année N, il faudra rembourser l’acompte perçu…

En synthèse

Dans la pratique, cette réforme aura donc des incidences diverses :
     - aucune sur le montant définitif de l’impôt à payer
     - très importante sur la gestion de leur trésorerie par les contribuables

Pour les professionnels libéraux, l'incidence principale est la suppression du décalage d'un an. Mais cette dernière ne produira ses effets qu'à l'occasion d'événements particuliers : baisse brutale ou arrêt d'activité, départ à la retraite, décés du contribuable...

Il va en outre être nécessaire de bien appréhender le nouveau calendrier de paiement afin de ne pas risquer des difficultés financières toujours sources de soucis. Une certaine prudence sera nécessaire tant que les modalités du nouveau dispositif ne seront pas parfaitement maîtrisées.

De nombreuses situations particulières sont prévues, qui doivent être étudiés au cas par cas (imposition commune, sources de revenus multiples, début d’activité, etc.).
Et nul doute que des difficultés pratiques supplémentaires ne manqueront pas d’apparaître dans les mois à venir.

L'administration fiscale publie d'ailleurs très régulièrement des commentaires sur les modalités d'application de la réforme...

Les 5 points à retenir :

  • Le prélèvement à la source sera effectif au 1er janvier 2019
  • Cette réforme ne concerne que les modalités de paiement de l’impôt
  • Les libéraux devront verser 4 ou 12 acomptes « contemporains »  (non libératoires)
  • Il faudra continuer à déposer chaque année une déclaration de revenus
  • L’impôt définitif ne sera liquidé que l’année suivante


Bruno LABREZE
Expert-comptable